jeudi 18 juillet 2013

Samedi 29 juin, triathlon inter bases en Antarctique.

Nous voici au cœur de l’hiver. Les journées ont commencé à rallonger, mais les sorties sont désormais un peu moins fréquentes, surtout plus courtes. Les températures sont basses, la lumière est plus faible, avec le vent les sensations de froid s’en trouvent renforcées.
Ce samedi 29 juin, nous avons participé à un challenge organisé par l’équipe de la base de Port-aux-Français des îles Kerguelen. La mission KER63 (63ème mission aux îles Kerguelen) proposait aux différentes bases antarctiques et subantarctiques  de disputer ensemble, ou presque compte-tenu des décalages horaires possibles, des épreuves sportives par équipe sous la forme de relais et dans les disciplines suivantes : 30 kilomètres en cyclorameur, 40 kilomètres en course à pied et 100 kilomètres à vélo, toutes les épreuves se déroulant en salle de sport.
3 bases ont répondu favorablement. La base néozélandaise Scott en Antarctique, la base française des îles Saint Paul et Amsterdam dans l’océan indien et la base Dumont d’Urville en Terre Adélie. Nous avons constitué une équipe de 6 personnes et avons relevé le défi.


Les épreuves à Dumont d'Urville

L’équipe de Dumont d’Urville était composée de David, Maxime, Julien, Johnny, Fred et moi.




Les épreuves sportives aux îles Kerguelen



Voici le résumé météo du mois de juin 2013.
Le mois de juin aura été plus froid que la normale et cela pour le 6eme mois consécutif.
Nous avons observé 7 jours avec des chutes de neige, et 14 jours avec du chasse-neige. Pas de record de température avec un minimum à -25,5°C et un maximum à -7.3°C.

Le vent moyen est au-dessous des normales malgré un record de vitesse pour un mois de juin (période de référence : 1981-2013) le 07 à 0h59 avec 220,7 km/h. L’ancien record datait de 1996 avec 219.6 km/h.

Durant la tempête le vent a été si fort que la coupelle de l’anémomètre n’a pas tenu et a été emportée par le vent. Nous n’avons pu en remettre une autre que le matin du 9. Profitant d’une très courte accalmie, Angel, l’électricien de la base, est monté en haut du mat de 10 mètres et en a fixé une nouvelle.

Dimanche 14  juillet.
Pas de défilé à Dumont d’Urville, ni même de discours. Nous avons célébré la fête nationale le midi autour d’un verre de champagne offert par Maxime le chef de district, puis nous avons pu apprécier, comme tous les dimanches, le repas préparé par Dominique.
Le soleil n’était pas de la fête ce jour-là, le temps était gris avec un plafond bas, il faisait froid et le vent soufflait assez fort.  De la fenêtre du séjour qui donne sur la banquise, seuls les bergs se détachant du glacier Astrolabe semblaient défiler en ordre disparate à l’horizon.

Lundi 15 juillet.
Ce matin le vent est tombé. Le ciel voilé par des nuages d’altitude donne à la banquise une couleur bleu pâle. Nous voilà partis à quatre, Emile, Julien, David et moi pour une sortie de 2 heures direction un iceberg situé à quelques kilomètres au nord-est de Dumont d’Urville. Il fait -18°C, et sans vent cette température est devenue pour la plupart d’entre nous supportable, à condition de marcher sans s’arrêter trop longtemps. Nos VTN rouges sont très isolantes. Seuls le visage et les mains sont le plus exposés au froid. Il faut apprendre à respirer avec la cagoule, il faut composer avec la buée qui se forme sur le masque et se transforme rapidement en une mince couche de glace.



Au loin nous apercevons des manchots empereurs se dirigeant vers la rookerie située au sud de l’île des Pétrels. Nous nous allongeons par terre derrière une petite congère formée sur la banquise afin de les observer.



Le petit groupe s’est approché lentement de nous et après s’être arrêté quelques instants, il a continué son chemin tranquillement.



Nous avons ensuite continué notre marche jusqu’à notre iceberg, un gigantesque morceaux de glace détaché du glacier Astrolabe.



dimanche 30 juin 2013

Mardi 11 juin.
Nous venons de vivre 2 tempêtes.
Le 6 juin une dépression fortement creusée est passée au nord de l’Archipel Pointe Géologie provoquant des vents extrêmement violents. Le 7 vers 1 heure du matin l’anémomètre de la station météo enregistrait une rafale légèrement supérieure à 220 km/h. La force du vent était si importante que la coupelle du capteur de vent  a été arrachée et s'est envolée nous privant ainsi de nos précieuses données jusqu’au dimanche 9 au matin.



Profitant d’une très brève accalmie nous avons pu remettre une nouvelle coupelle vers 8 heures. Une heure plus tard un vent de sud, vent froid venant du continent, se levait. Nous allions connaître enfin un épisode de catabatique intense. Les rafales ont atteint les 217 km/h, certes un peu moins fortes que celles de la tempête précédente, mais les vents moyens l’ont été beaucoup plus. Sous la violence du vent les différents bâtiments de la base vibraient. Etrange sensation que de voir les écrans bouger, que de sentir des petites secousses sous les assauts répétés des rafales. Le soir, alors que j’essayais de trouver le sommeil, les vibrations de mon lit me rappelaient celles que j’avais ressenties, il y a longtemps, en Guadeloupe lors de secousses telluriques.

Dimanche 16 juin.

Une semaine de festivité se prépare. En Antarctique il est une tradition, un évènement, une fête que l’on célèbre dans l’ensemble des bases du continent : la « Midwinter ».
L’origine de cette fête date de 1902. C’est Ernest Shackleton lors de  l’expédition britannique « National Antarctic Expedition » commandée par Robert Falcon Scott qui eut l’idée d’organiser pour la première fois une fête le 21 juin pour célébrer le passage à la deuxième moitié de l’hiver. Cette initiative très appréciée des missions polaires s’est peu à peu généralisée.
La Midwinter est un moment exceptionnel pour chacun d’entre nous, un moment de joie au cœur de l’hiver austral. Elle nous rassemble et consolide la cohésion de l’équipe. Chacun la vit à sa façon, à son rythme, défouloir pour certains, juste un moment de fête pour d’autres, une occasion de se retrouver au travers d’activités communes, de jeux, de spectacles et de repas.
A Dumont d’Urville, tous les hivernants s’affairent déjà à la préparation de cette semaine de festivité qui verra son maximum d’intensité le 21 juin, jour où la course du soleil est la plus courte dans le ciel. Si à Dumont d’Urville il apparaîtra durant 2 heures environ, ailleurs plus au sud, sur la base franco italienne de Concordia par exemple, il a déjà disparu de l’horizon.
Dumont d’Urville va vivre une semaine de fête continue sur le thème « Astérix et le village gaulois », une occasion sans doute de relire la collection de bandes dessinées d’Uderzo et Goscinny rangées sur l’étagère de la bibliothèque du séjour. Chacun a déjà choisi son personnage et a commencé à préparer son déguisement.
Il y a bien sur Astérix incarné par Cyril, et Obélix par Jules le plombier. Michel fera César, Emile le pirate numide, Maxime un centurion, Jennifer Cléopâtre, Mathilde Falbala. Quant à moi, je n’ai pas choisi, les autres s’en sont chargés. Je serai Agecanonix. Dans l’armoire du « servez-vous » - lieu où sont entreposées quelques affaires laissées par d’anciens hivernants – j’ai récupéré quelques habits qui me permettront de jouer mon personnage.
Le séjour a été transformé en village gaulois retranché et entouré d’un camp romain. Une estrade a également été installée. Ainsi, la fête va pouvoir commencer.


Lundi 24 juin.
Mardi, nous avons élu le nouveau chef de district pour la durée des fêtes. C’est Willy le boulanger-pâtissier qui a été élu « ONZETA », le successeur du DISTA.
L’élection s’est déroulée selon la tradition. Chaque candidat a mené sa campagne. Il y a eu des affiches, des clips vidéo présentant les programmes et un grand débat entre les candidats.
Tout le long de la semaine les activités se sont succédées, des jeux et concours par équipe, certains plus physiques comme le ballon prisonnier, le tir à la corde, la course en sac ou le ping-pong, d’autres demandant de l’adresse comme le tir aux fléchettes, le billard ou le jeu de quilles. Il y a eu aussi le tournoi de poker faisant appel davantage à de la réflexion.
Le soir du 21 juin, comme dans beaucoup de villes et villages en France nous avons eu nous aussi notre fête de la musique. Emile à la basse, David à la guitare, Benjamin et Stéphane comme chanteurs, nous avons passé une excellente soirée qui s’est terminée par un karaoké. Un ballon gonflé à l’hélium et le délire peut commencer….


La semaine de festivités s’est terminée ce lundi 24 juin. La Midwinter a aussi été l’occasion d’échanger des vœux ou des messages avec d’autres bases polaires.















dimanche 9 juin 2013

Voici le résumé météo du mois de mai  2013.

Pour décrire le temps de ce mois de mai à Dumont d’Urville en quelques mots, je pourrais dire qu’il a été plus neigeux,  plus froid et moins lumineux que la normale. Les épisodes de vents catabatiques et de chasse-neige ont été très nombreux.
On a observé 7 jours de temps neigeux, 6 jours avec du blizzard, 12 jours avec du chasse neige et un mur de neige a été observé sur le continent 11 jours dans le mois.
Les températures moyennes sont en dessous de la normale. Le minimum observé est de -32,5°C (observé le 26 mai à 22h46 locales) record absolu pour un mois de mai (l’ancien record était de 32,3 °C le 31 mai 1964), et le maximum de 7.3°C.
On comptabilise ce mois-ci 24 jours où le vent a été supérieur à 60km/h, dont 17 au-dessus des 80km/h, 8 au-dessus des 100km/h, 6 au-dessus des 120km/h et 4 au-dessus des 140km/h.
La rafale maximale a été enregistrée le 1er avril, elle est de 162,4 km/h bien endessous des 244,8 km/h enregistrés le 23 mai 1988, rafale maximale  pour la période 1981-2013.
Enfin, ce mois est aussi moins lumineux que la normale avec 46 heures d’ensoleillement.
Le 1er mai le soleil s’est levé à 9h03 et s’est couché à 16h12.
Le 31 mai le soleil s’est levé à 10h50 et s’est couché à 14h24.



Lundi 3 juin :

Le soleil n’apparait désormais plus que quelques heures dans la journée et sa course est tangente à l’horizon. Les sorties sur la banquise sont plus courtes mais la lumière rasante crée une atmosphère unique qui nous permet de réaliser de très belles photos. Le bleu du ciel se reflète sur la banquise et les icebergs, et cela donne aux paysages une connotation absolument féérique. Durant mes sorties je prends le temps de m’arrêter et de savourer ce spectacle permanent qui fait aujourd’hui parti de mon quotidien. L’immensité de cette mer de glace provoque en moi un sentiment inexplicable de bonheur, de calme. J’apprécie  le silence et la sérénité qui règnent ici au bord du continent antarctique.





dimanche 19 mai 2013

Voici le résumé météo du mois d’avril 2013.
Le mois d’avril aura été plus froid, moins venteux et plus lumineux que la normale.
Nous avons eu 9 jours avec des chutes de neige, et 11 jours avec du chasse-neige. Ce mois d’avril se caractérise aussi des par la présence fréquente d’un mur de neige sur le continent observé 16 jours ce mois-ci.
La moyenne des températures moyennes est de -16,3°C, largement en-dessous de la normale qui est de -13,4°C. Le minimum observé est de -25,1°C (le record pour le mois d’avril étant de -29,3°C) et le maximum de -5°C (le record étant de +1.1°C).
On comptabilise,  ce mois d’avril, 21 jours où le vent a été supérieur à 60 km/h dont 12 au-dessus des 80 km/h, 2 au-dessus des 100km/h et 1 au-dessus des 140 km/h.
La rafale maximale a été enregistrée le 1er avril, elle est de 153 km/h bien en dessous des 211 km/h enregistrés le 09 avril 2012, rafale maximale  pour la période 1981-2013.


La centrale électrique de Dumont d’Urville.

Parmi les activités liées à la vie de la base, il y en a une essentielle et vitale qui se distingue des autres : la centrale électrique.
La centrale est certainement le point névralgique de la base, le plus sensible. Elle demande une attention particulière, une surveillance accrue et continue, un travail soigné et une réactivité très importante de la part de tout le personnel technique en cas de problèmes. Une personne y travaille en permanence de jour comme de nuit et surveille le bon fonctionnement de tous les équipements.
La base est autonome. Loin de tout, elle doit subvenir à ses besoins énergétiques, produire son électricité et son eau potable.
La centrale est équipée de 3 groupes électrogènes et d’un bouilleur fabricant de l’eau douce en distillant l’eau de mer.
Fred est le responsable de la centrale électrique. Il nous accueille toujours avec le sourire. Il aime nous présenter les installations, les énormes groupes électrogènes. En hiver les groupes produisent 1900 kilowatts par jour. Ils consomment 600 litres de gasoil tous les jours pour produire l’énergie électrique nécessaire.


La chaleur dégagée par les groupes électrogènes est utilisée pour distiller l’eau de mer grâce à un bouilleur. Des pompes puissantes amènent l’eau de mer à la centrale.  La saumure – reste de l’eau de mer non distillée et à forte concentration en sel – est envoyée dans des canalisations afin de réchauffer les tuyaux d’eau de mer de la station de pompage et d’eau douce dans les circuits de distribution qui partent à l’extérieur vers le séjour et le bâtiment de nuit, le 42.
Le bouilleur produit l’hiver 170 litres d’eau par heure, soit 4200 litres d’eau douce par jour. L’été, quand il y a plus de monde sur la base, la production est de 6000 litres par jour.



A tour de rôle chaque personne de l’équipe technique assure une permanence soit la journée, soit la nuit, afin de surveiller la bonne marche de l’ensemble du système.
Ce matin, c’est au tour d’Angel, l’électricien de Dumont d’Urville, d’assurer le tour de garde. Il regarde périodiquement avec beaucoup d’attention les indicateurs et surveille les alarmes. Si la pompe qui amène l’eau de mer à la centrale s’arrêtait, très vite l’eau gèlerait dans les canalisations et la remise en route serait très difficile. Un pareil accident serait catastrophique.
La centrale a été construite dans un couloir de vent. Elle est soumise, bien plus que les autres bâtiments, aux intempéries et aux vents violents. A chaque épisode neigeux, d’énormes congères se forment et la font disparaître sous une épaisse couche de neige.




Mercredi 8 mai.
En Antarctique aussi, le 8 mai est férié. A la station météo, les jours fériés sont des jours comme les autres. Le service est assuré à tour de rôle par chacun des 3 membres de l’équipe. Je ne suis pas de service aujourd’hui, la journée s’annonce ensoleillée et beaucoup parmi les hivernants veulent profiter de cette belle journée.
Je n’ai pas de mal à trouver quelques compagnons pour aller m’aérer et me changer les idées sur la banquise.
Quelques Mars et autres barres chocolatées prises au séjour juste avant le départ et me voilà parti pour une sortie de 4 heures 30 environ avec 3 autres hivernants.


Les sorties ont très souvent pour but d’aller à la rencontre de ces immenses montagnes de glaces. Toutes sont différentes par leur taille, leur forme, leur couleur. Aux pieds de ces bergs nous prenons conscience de notre fragilité.



Au pied d’un bloc de glace aux formes insolites une flaque glacée, témoigne de la présence d’une résurgence. La mer est à quelques 60 cm sous nos pieds.  Avec les mouvements de la mer, les marées, la pression des glaces, la banquise craque et se brise par endroit permettant ainsi à l’eau de remonter au-dessus de la couche de glace.


Par endroit, les cassures sont plus importantes, les plaques se séparent. C’est ainsi que l’on rencontre des minces zones d’eau libre, les rivières. Souvent masquées et recouvertes d’une mince couche de neige  elles forment des pièges redoutables pour les promeneurs que nous sommes. Il faut apprendre à les repérer, facile à dire, plus difficile dans la pratique.



Mercredi 8 mai, il est 16 heures,  comme dans beaucoup de communes en France, une cérémonie s’est tenue à Dumont d’Urville afin de commémorer la victoire des alliés sur l’Allemagne nazie et la fin de la seconde guerre mondiale en Europe. Nous avons écouté le discours officiel rédigé par le ministre chargé des anciens combattants et lu ici, en Terre Adélie, par Maxime, le chef de District et représentant du Préfet des Terres Australes et Antarctiques Françaises. Puis le drapeau français a été hissé. Moment solennel où chacun a respecté une minute de silence en mémoire de tous ceux qui ont donné leur vie pour la liberté.
Malgré les milliers de kilomètres qui séparent de la France cette petite île isolée en Antarctique, chacun ici exprime par sa présence son appartenance et son attachement à la nation, à son pays.



Mercredi 15 mai,  après une matinée maussade les stratocumulus – nom savant donné par les météos aux nuages bas souvent présents en Terre Adélie - se dissipent enfin un peu avant midi et laissent place à un soleil timide au-dessus de l’horizon. Il est 13h30, le soleil se couche désormais un peu avant 16 heures. Ça laisse un peu plus de 2 heures pour sortir. En ce mois de mai qui voit ses journées raccourcir de 8 à 10 minutes chaque jour, toute heure de soleil est bonne à prendre. Dans un mois le soleil se lèvera à 11h40 et se couchera à 13h42.
Me voilà parti pour une marche de 8 kilomètres, direction nord-ouest vers quelques bergs encore inconnus, en tous cas pas encore approchés par les hivernants de la 63.



La journée s’achève par un spectacle de lumières. C’est grandiose, le ciel s’enflamme et cela va durer toute la nuit. Dehors il fait -20°C. Qu’importe, dans quelques mois ces illuminations nocturnes me manqueront, alors je profite de ces instants précieux le plus longtemps possible.