dimanche 17 novembre 2013

Voici en quelques mots le résumé météo du mois d’octobre 2013.

Ce mois d’octobre a été plus chaud que la normale, plus neigeux (on note 8 jours avec des chutes de neige observées), mais surtout plus venteux. Il y a eu 12 jours dans le mois où l’on a pu voir un mur de neige sur le continent.
La température moyenne de ce mois a été de -11,9°C, supérieure à la normale qui est de -13°C., avec un minimum de -21°C le 17 et un maximum de -3,1°C le 14. Le record de froid pour un mois d’octobre est de -31,5°C, il a été enregistré le 3 octobre 1972.


Le vent moyen est assez proche de la normale avec une valeur de 9,35 m/s soit 33,7 km/h. La vitesse maximale enregistrée est de 45,3 m/s le 9 soit 163,1 km/h lors d’une forte tempête. Le record de vent pour un mois d’octobre a été enregistré le 2 octobre 1996 avec une rafale à 202,8 km/h.
On note 26 jours où le vent a été supérieur à 60 km/h dont 6 jours avec des rafales au-dessus des 100 km/h et 2 jours au-dessus des 140 km/h.


Cependant, ce mois a été moins lumineux que la normale. On note 233 heures d’ensoleillement, la normale étant de 265 heures.
Enfin la pression moyenne a été de 978,3 hPa.


Lundi 11 novembre.

Aujourd'hui 11 novembre, la base Dumont d’Urville a hissé le drapeau tricolore pour célébrer comme dans toutes les communes de France l’Armistice, la fin de la 1ère guerre mondiale. Un peu avant midi, nous avons écouté le discours du Ministre délégué auprès du Ministre de la Défense, chargé des anciens combattants, lu par le chef de district. Un moment solennel, un moment d’émotion durant lequel chacun a eu une pensée pour tous ces soldats qui ont combattus pour la France, qui ont souffert dans les tranchées et qui, pour certains, ont donné leur vie.



Au pied du mat, quelques manchots adélie sont présents et assistent à la cérémonie.


Après avoir observé une minute de silence nous nous sommes tous retrouvés au séjour pour apprécier le planteur préparé par Emile et le repas amélioré préparé par Dominique notre cuisinier.

lundi 4 novembre 2013

Samedi 19 octobre.
Un hivernage en Antarctique dure environ 8 mois, 8 mois durant lesquels l’isolement est total. Seule une faible liaison par satellite nous permet de rester en contact avec la famille et les amis. Nous communiquons principalement avec nos proches au travers de la messagerie électronique, le « mail ».
Les activités sur la base sont variées. Il y a ceux qui s’occupent des aspects logistiques et entretien de la base : produire l’électricité, l’eau potable… Il y a ceux qui s’occupent de l’intendance, des repas. Il y a les ornithos dont le travail se rapporte à l’observation et l’étude des animaux. Il y a le gérant postal qui s’occupe des nombreuses demandes et commandes des philatélistes de tout bord. Dans la journée, chacun travaille dans son bureau, son atelier ou en extérieur. Nous nous retrouvons principalement au moment des repas, souvent le soir au séjour pour une veillée ou une séance de cinéma et quelques fois autour d’un verre, pour célébrer un évènement ou juste pour un moment de convivialité.
Aujourd’hui, Thomas le mécanicien de précision de Dumont d’Urville nous a tous convié à un apéritif dans son atelier au SIPOREX. Le SIPOREX est un bâtiment qui tient son nom du matériau utilisé pour sa construction. C’est ici que se trouvent également les ateliers d’Angel l’électricien et de Jules le plombier. Pour l’occasion, la tenue "bleu de travail" a été exigée.
Se costumer, se déguiser est ici une tradition. Il y a eu durant l’hivernage de nombreuses soirées à thème où chacun confectionnait son déguisement avec divers matériaux, de vieux vêtements ou de vieux draps trouvés dans le "Servez-vous", armoire où chacun peut déposer des objets ou vêtements devenus inutiles ou encombrants en fin de mission.
J’ai donc revêtu mon bleu de travail, celui qui m’a servi cet hiver à protéger mes vêtements lors des traitements au gasoil des ballons de radiosondages.
Comme dans la plupart de ces moments qui nous réunissent et nous rapprochent les uns des autres, la photo souvenir est de rigueur. Dans quelques semaines, lorsque mon séjour achevé, j’aurai quitté cet endroit exceptionnel, il ne restera que les souvenirs et les photos pour me rappeler de cette année extraordinaire passée quelque part au bout du monde, sur une petite île isolée au bord du continent antarctique.

Samedi 26 octobre.

L’hivernage touche à sa fin. Cette semaine, Guillaume, le responsable de l’équipe technique de la base, a fini d’aménager une piste d’aviation sur le continent à un point nommé ici D10. Cette piste, située à presque 300 mètres d’altitude et à 5 kilomètres à l’intérieur du continent (10 kilomètres de la base), a été tracée sur de la glace.  A l’aide d’une sorte de herse tirée par un tracteur de 15 tonnes, la glace a été nivelée. Après plusieurs jours de travail, les 1 kilomètre 500 de piste sont prêts à accueillir le BASLER qui amènera les premiers campagnards de l’été austral.


Aux abords de la piste, nous avons installé, à côté d’un petit shelter, un capteur de vent en haut d’un mat de 4 mètres de hauteur. Ce petit capteur, relié à en émetteur situé à l’abri, à l’intérieur du shelter,  transmet en temps réel sur les écrans de la station météo de Dumont d’Urville la direction et la force du vent. Sur le haut de cet abri, un panneau solaire permet de recharger en continu la petite batterie de 12 volts alimentant notre système.




A côté de notre installation, plusieurs fûts contenant du kérosène sont entreposés sur une remorque. Les stations en Antarctique sont très éloignées les unes des autres et les avions n’ont pas suffisamment d’autonomie pour pouvoir faire un aller-retour. Il faut donc pouvoir refaire le plein des aéronefs qui se poseront ici.
Tout est donc en place pour qu’un petit avion muni de skis puisse se poser sur le continent.

Ce samedi 26 octobre au matin, la base est en effervescence. Un vol est programmé. Les passagers venus de France attendent depuis plusieurs jours déjà à Christchurch en Nouvelle Zélande que les conditions météos soient enfin favorables pour atterrir ici. Un premier avion doit les amener à la station Mario Zucchelli située elle aussi sur le continent Antarctique. De là ils prendront un second avion pour Dumont d’Urville. Depuis 7h locales, j’envoie toutes les heures par mail des informations sur le temps qu’il fait ici et sur la piste D10 à l’équipe météo de Mario Zucchelli.
En ce début de matinée, le vent souffle encore assez fort et le ciel est couvert.
Les modèles de prévisions numériques américains et européens sont optimistes. Le temps va s’éclaircir au cours de l’après-midi et le vent va baisser.
A 13h, après un dernier briefing météo, les conditions étant favorables, le pilote a pris la décision de faire décoller son avion. L’avion, un  BASLER doit arriver à D10 à 19h30. Tout le monde sur la base Dumont d’Urville est prêt. L’accueil d’un avion nécessite un minimum de préparation afin d’assurer un maximum de sécurité et être prêt à intervenir en cas d’incident. Une équipe constituée par le médecin, des secouristes et des pompiers est prête à se rendre à D10. Maxime le chef de District s’assure des derniers préparatifs. Il faut aussi prévoir la logistique nécessaire au transport des voyageurs vers la base.
Il est 17h30. L’équipe se met en route. Le ciel est maintenant bien dégagé et le vent a faibli et ne souffle désormais plus qu’à 20kt.
Il est 19h05. Michel le radio a un contact avec le pilote de l’avion. L’atterrissage est prévu dans 15 minutes. A 19h15 j’aperçois l’avion dans le ciel. Il commence à effectuer sa manœuvre pour se placer face au vent à l’ouest et dans l’axe de la piste. Je suis sa progression depuis la station météo à l’aide de mes jumelles. L’atterrissage est rapide. Un nuage de poudre de neige derrière l’appareil m’indique que l’avion s’est posé.


Photographie prise par Guillaume

Les passagers sont descendus de l’avion et sont en route pour la base. Une équipe est encore sur place afin de refaire le plein en carburant. L’avion ne reste pas. Il repart sur Mario Zucchelli.
L’arrivée de nouvelles personnes à Dumont d’Urville est un moment de fête. Elle marque aussi le début de la fin de notre séjour.

mardi 22 octobre 2013

Voici en quelques mots le résumé météo du mois de septembre 2013.

Enfin un mois plus chaud, plus lumineux, plus neigeux mais surtout plus venteux que les années passées.
Ce mois de septembre a été marqué par  des phénomènes telle l’apparition de murs de neige venant du continent accompagnés de vent catabatique violent et de chasse neige en grand excédent par rapport aux normales.
Avec une température minimale de -23,9 °C enregistrée le 12 et maximale de 3°C le 18, les températures moyennes restent bien au-dessus des normales saisonnières.



On a comptabilisé beaucoup de vent fort, bien plus que la moyenne climatique soit 24 jours avec un vent supérieur  à 60km/h, dont 19 au-dessus des 100km/h et  8 jours au-dessus des 140km/h.


Enfin le mois a été très lumineux avec 17% d’ensoleillement en plus par rapport aux normales, soit un cumul de 172,2 heures d’ensoleillement.



Dimanche 13 octobre.

L’hiver est derrière nous, les journées ont rallongé sensiblement. Les premières lueurs du jour apparaissent déjà vers 4h30 du matin lorsqu’il n’y a pas de couche nuageuse dans le ciel.
Ce matin le ciel a revêtu sa robe bleu pâle et le vent présent depuis plusieurs semaines s’est enfin calmé. Il est 6h30 lorsque je sors du bâtiment 42 – le bâtiment de nuit – et regagne le séjour goûtant la fraicheur matinale d’une belle journée en Antarctique. Il fait à peine -10 °C. Le soleil a déjà commencé à réchauffer l’atmosphère. Au séjour,  je croise Angel qui vient de terminer sa nuit à la centrale électrique. Il a dressé la table et préparé le café pour le petit déjeuner. Il part se coucher. Je m’installe alors après avoir salué Dominique lui aussi déjà levé et déjà très actif dans sa cuisine.
Maxime ne tarde pas à me rejoindre. Nous avons prévu une sortie matinale sur la banquise afin d’aller voir un berg dont la face coté EST laisse entrevoir des veines brunes semblables  à une dalle de marbre. Je suis souvent passé à côté de ce berg, mais à chaque fois cette face m’est apparue dans l’ombre, le soleil étant alors trop bas à l’horizon ou trop à l’ouest en fin de journée.
Il est 8h30 lorsque nous partons. Michel le radio et David le médecin de la base nous ont rejoints. Le départ est presque chaque fois le même. Je me dirige vers la croix Prudhomme dressée en hommage à un ingénieur météo disparu dans les années 50 alors qu’il était parti faire des mesures. Le chemin commence par une pente douce et fini par une pente plus prononcée que nous empruntons sur les fesses tel un toboggan. Nous voilà alors sur la banquise. Le vent de ces derniers jours a fait disparaitre la couche de neige supérieure. Sur plusieurs centaines de mètres nous marchons avec prudence sur de la glace vive. Afin de ne pas chuter nous avons équipé nos chaussures de griffes. Il est tôt et pourtant le soleil est déjà haut dans le ciel. L’air est doux malgré la température négative. Nous nous dirigeons légèrement vers le nord-est afin d’éviter une zone de chaos provoquée par le mouvement de la mer sous la glace. Près du glacier Astrolabe, la banquise a changé d’aspect. Il y a maintenant de nombreuses rivières recouvertes par une fine couche de glace.
Sur notre chemin nous croisons quelques manchots revenant de la polynie. Ils parcourent plusieurs dizaines de kilomètres pour retrouver l’eau libre la plus proche afin de se nourrir.


Un peu plus loin, ce sont 2 phoques, une mère et son veau, qui se reposent sur la banquise. Notre passage ne semble pas les déranger.







La sortie aura duré un peu moins de 3h. Comme toujours la banquise, cette immense étendue de glace recouvrant la mer à perte de vue, parsemée d’icebergs aux formes impressionnantes et imposantes me procure  des émotions, un plaisir intense, le sentiment de faire partie des quelques privilégiés qui ont eu la chance de vivre une belle aventure en Antarctique.

Mardi 15 octobre, journée de comptage des phoques.
Chaque année, toujours à la même date, l’hivernant ornithologue a pour mission de recenser la population de phoques dans toute la zone entourant l’archipel de Pointe Géologie.
Il fait beau, le soleil brille dans le ciel et ce matin seule une petite brise glaciale nous rappelle que nous sommes sur les côtes du continent antarctique. Les modèles  météo sont optimistes pour les prochains jours. C’est une chance, nous allons pouvoir opérer dans de très bonnes conditions. Lunettes foncées et crème solaire sont aujourd’hui obligatoires. Des équipes de 3 à 4 personnes sont constituées. Après quelques ultimes recommandations le comptage va pouvoir commencer.
J’ai choisi une zone proche de la base. Ce n’est peut-être d’ailleurs ni la plus facile ni la plus intéressante. D’abord, cette zone comprend la partie située au sud de l’île des Pétrels, la zone de chaos, pleine de pièges, de rivières, de bosses  et de trous. Ensuite, c’est aussi là que nous trouverons le moins d’animaux. Qu’importe, il fallait bien que quelqu’un y aille. Me voilà parti en début d’après-midi avec Mathilde et David. C’est pour moi plus une balade, une opportunité pour aller prendre l’air, qu’un travail. Je prends le temps de m’arrêter près de la rookerie, attiré par un poussin perdu près du chaos. Il a dû certainement suivre des adultes partis se nourrir en mer. Il est seul dans une zone où les pétrels ont l’habitude de chasser.
Assis sur la glace, je l’observe à travers l’objectif de mon appareil photo. Tranquillement il se dirige vers nous et s’arrête à quelques mètres. Je reste quelques minutes à l’observer me demandant s’il sera capable ou non de rejoindre la rookerie à quelques centaines de mètres de là. Nous n’avons pas le temps de trop nous attarder, il faut y aller, les phoques nous attendent.


Le recensement de la zone ne prend pas beaucoup de temps, à peine 2 heures pour n’apercevoir que 2 phoques. Mathilde prend soin de noter les positions GPS et les caractéristiques des animaux.


Nous sommes sur le chemin du retour lorsque Christophe, l’ornithologue de la base, nous appelle sur la radio pour nous proposer de l’aider à finir une autre zone plus à l’est. Nous voilà partis, Cyril, David, Christophe et moi-même vers un îlot, la Dent, situé à environ 3 km à l’est de Dumont d’Urville.



Je ne vais pas être déçu. Il y a de nombreuses cassures, des trous d’eau et pas mal de rivières dans cette partie située très proche du glacier Astrolabe, des endroits parfaits pour apercevoir des phoques. Nous arrivons sur la zone au beau milieu de l’après-midi. Le soleil est encore très haut dans le ciel.
Ils sont là ! Ils semblent nous attendre allongés sur la glace par petits groupes de 3 ou 4. La chance est avec nous ce jour-là. Tandis que j’observe l’approche d’un pétrel géant, mon regard est attiré un phoque à quelques mètres de moi en train de mettre bas. Nous assistons à la naissance d’un veau - c’est ainsi que l’on nomme les jeunes phoques – moment extraordinaire. Moins d’une minute plus tard, le pétrel est déjà là en train de se nourrir du placenta.

 






Il est tout juste 19h lorsque je rentre à la base, mon esprit encore plein d’images extraordinaires et ma carte SD pleine de souvenirs.
Tracé de la sortie du 15 octobre 2013.


samedi 21 septembre 2013


Voici le résumé météo des mois de juillet et d’août 2013.
 
Ces 2 mois d’hiver auront été plus froids que la normale.
Il a neigé 8 jours en juillet et 15 jours en août. Le thermomètre est descendu jusqu’à -33,4°C le 23 juillet et jusqu’à -32,2°C le 29 août. Il a fait froid, mais nous sommes restés loin derrière le record de froid enregistré en Terre Adélie qui est de 37,5 °C. Cette très basse température avait été observée le 4 août 1990.

Ces 2 mois ont été particulièrement venteux. En juillet on comptabilise 7 jours avec du vent supérieur à 100km/h dont 1 au-dessus des 140 km/h. La rafale maximale enregistrée ce mois de juillet est de 164,9 km/h, le 10 juillet. En août, on comptabilise 15 jours avec du vent au-dessus des 100km/h, dont 11 au-dessus des 140 km/h. Le 11 le vent a soufflé à 182,2 km/h et le 13 à 180,7 km/h.

Enfin, il y a eu au mois de juillet 12 jours avec du chasse neige et 17 jours au mois d’août. Ce phénomène,  provoqué par le vent soufflant du continent et  soulevant de la neige à son passage, s’accompagne dans la plupart des cas d’une réduction très importante de la visibilité, parfois de quelques mètres seulement.

Courbe des températures extrêmes quotidiennes enregistrées en juillet 2013.

Vents moyens et instantanés max enregistrés en juillet 2013.

Courbe des températures extrêmes quotidiennes enregistrées en août 2013.

Vents moyens et instantanés max enregistrés en août 2013.



 Samedi 31 août.

Aujourd’hui c’est moi qui suis de service sur le poste d’exploitation et de prévision. Ce samedi, j’ai ouvert la station un peu après 7 heures. Comme tous les matins, après avoir fait avoir un tour d’horizon, après avoir regardé les cartes issues des modèles  de prévisions numériques récupérées au travers de notre liaison internet, j’ai rédigé le bulletin météo tant attendu par tous.
Ce jour pourrait paraitre tout à fait ordinaire, mais il ne l’est pas pour nous. Je m’apprête à exécuter le 19500ième lâcher de ballon depuis que la station météo existe à Dumont d’Urville. Les premiers météorologistes sont arrivés ici dans les années 50. Henri  Boujon, André Prudhomme, André Lebeau furent  les premiers à sonder l’atmosphère ici en Terre Adélie. Depuis 63 ans, tous les jours, un ballon est envoyé dans l’atmosphère, mesurant tout au long de son ascension  la pression atmosphérique, la température, l’humidité, la force et la direction du vent.  

19500, ce n’est bien sûr juste rien d’autre qu’un chiffre rond mais pour l’équipe météo ce chiffre est important. Il représente des années de travail, de collecte d’informations pour l’étude et la connaissance de notre atmosphère. Pour l’occasion, certains de mes compagnons d’hivernage sont venus assister à ce lâcher. David et Angel sont arrivés bien avant l’heure afin de prendre des photos des différentes manipulations et préparations autour de la sonde et du ballon. La vedette du jour, ce n’est pas moi mais mon ballon. Par chance, le vent est calme ce matin. J’ai ouvert en grand le rideau métallique du hangar afin de faire entrer un maximum de lumière et me voici en train de « fiouler » le ballon sous les flashes des appareils photos. « Fiouler » le ballon est un terme local et inventé pour désigner un traitement à base d’un mélange de gasoil et d’huile moteur permettant au ballon de résister davantage aux températures extrêmement froides en altitude. A 15.000 mètres il fait en cette saison  environ -80 °C. Ainsi conditionné, le ballon  arrive à dépasser les 20 kilomètres d’altitude au lieu de 15 environ. Les données issues de nos sondages sont précieuses, l’Antarctique est un continent immense et le nombre de points de mesures est très faible.




Pendant que le ballon se gonfle doucement, j’explique à David à quoi sert le sondage. Si une équipe météo travaille ici depuis tant d’années c’est avant tout pour pouvoir effectuer tous les jours, à une heure bien précise, cette mesure en altitude.




La sonde est maintenant prête. Equipée d’un petit émetteur, elle va tout au long de son voyage dans les airs me transmettre les données mesurées. Solidement attachée au ballon, elle peut maintenant prendre son envol.

L’équipe météo de la TA63 est au complet. Emile et Erwan sont présents et assistent eux aussi à cet évènement.


Ca y est ! La sonde est partie. Je la regarde monter doucement. Il neige. Le plafond nuageux est bas et le ballon ne tarde pas à disparaitre. J’invite alors les spectateurs venus assister à cet évènement, ô combien exceptionnel, à venir suivre la poursuite du ballon sur mes écrans d’ordinateur et à écouter quelques informations, un peu plus techniques, sur les données reçues et qui vont être traitées.





Cet évènement fera bien sur l’objet d’un pli philatélique. Les plis sont recherchés par les collectionneurs. Je ne peux m’empêcher de penser à l’équipe qui me succédera et qui fêtera le 20.000ième lâcher de ballon en Terre Adélie, un évènement encore plus exceptionnel.
















samedi 31 août 2013

Festival des films de l'Antarctique

[ Extrait d'un mail du 12 Aout ] 

"En ce moment a lieu le festival des films de l'Antarctique.
De nombreuses bases du continent Antarctique et des bases subantarctiques telles Kerguelen, Crozet et Amsterdam  ont produit un film dans chacune des 2 catégories.


Je vous donne ci-dessous les liens pour accéder aux films.
Nous avons à Dumont d'Urville concouru dans les 2 catégories.

Si vous les visionnez, vous aurez le plaisir de me voir jouer dedans.

 

La catégorie open - film libre produits obligatoirement en antarctique ou autour du cercle polaire."





La catégorie 48h - film à produire en 48 heures avec 5 éléments donnés au dernier moment.
 
Cette année les éléments étaient les suivants :
1. une balle de ping-pong
2. quelqu'un doit dire : "Voulez-vous coucher avec moi ce soir" (en français dans le texte)
3. une baignoire
4. le personnage "The Gingerbread Man" (M. Pain d'Epice)
5. le son d'un "authentique éternuement"




 
 
 Un lien pour visionner les films des autres stations :
  Festival des films de l'Antarctique.


jeudi 29 août 2013


Vendredi 19 juillet.

Il est un peu plus de midi et demi en Terre Adélie et bien qu’au raz de l’horizon, le soleil est au plus haut de sa course lorsque nous assistons à un phénomène peu fréquent. Un parhélie est présent dans le ciel. Ce phénomène, consistant essentiellement en l'apparition de deux images lumineuses aux couleurs du spectre solaire, se produit lorsque le soleil est assez bas sur l'horizon et que l'atmosphère est chargée de cristaux de glace présents dans les nuages de haute altitude.




Phénomène rare, insolite et nouveau pour tous ici, il a suscité l’émerveillement des hivernants de la TA63.

Jeudi 25 juillet. Soirée cinéberg

Ce soir, une grande première en Terre Adélie. Mathilde et Cyril ont organisé une séance de cinéma en plein air avec comme écran un iceberg présentant une face plate telle un véritable écran de cinéma.
Chacun s’est habillé chaudement pour assister à cette grande première. Le film, un vieux documentaire en noir et blanc sur l’Antarctique. Il doit durer environ une demi-heure. Rester immobile durant la projection sous de telles conditions nécessite quelques précautions. J’ai glissé dans chacune de mes bottes grand-froid des chaufferettes qui m’aideront à supporter les -20 °C de cette salle de plein air bien mal chauffée.
 

Arrivé après une marche nocturne d’une trentaine de minutes, chacun peut profiter d’un vin chaud en attendant le début de la projection.
Le projecteur est déjà en marche et un grand rectangle lumineux s’affiche sur la face assombrie par la nuit de l’iceberg.
Le temps passe et Mathilde et Cyril sont toujours autour du projecteur essayant de régler sa vitesse bien trop lente. L’heure tourne et la séance n’a toujours pas commencé.
Finalement  la projection n’aura pas lieu. Le froid n’aura pas permis au projecteur de fonctionner normalement.  

 
Chacun regagne la base, sans doute un peu déçu du non évènement. Pour moi l’objectif a été atteint. C’était de sortir la nuit sur la banquise. Guidé par les lumières de la base je m’en retourne avec un petit groupe d’hivernants, la faible lumière de nos frontales éclairant nos pas.

Photo de Maxime Aimetti
Vendredi 8 août.

Ce soir nous avons pu observer un phénomène peu commun. A la tombée de la nuit un nuage s’est illuminé dans le ciel. S’agissait-il d’un nuage nacré ?
Ces nuages se forment dans la stratosphère à proximité des pôles. Très hauts dans le ciel, ils reçoivent la lumière du soleil alors que ce dernier se trouve en dessous de l’horizon et la réfléchissent vers le sol. Agissant comme des catalyseurs de réactions chimiques hétérogènes en association avec les fluorocarbones ils produisent des molécules de composés chlorés détruisant les molécules d’ozone. Ils sont le témoin visible depuis la terre de la modification du trou dans la couche d’ozone.


Dimanche 11 août.
 
Tôt ce matin, le soleil en se levant a enflammé l’horizon avec des lumières rouges et orangées dévoilant au loin sur le continent d’immenses gerbes de neige. Le bulletin météo annonce pour aujourd’hui du vent catabatique violent.
Il est 7 heures, je me dirige vers le séjour pour y prendre mon petit déjeuner. Le ciel est clair et le vent est calme. Je suis aujourd’hui de service base. Ce travail consiste à nettoyer la salle de restaurant, la salle de lecture et de jeux, le bâtiment de nuit, à aider en cuisine, à dresser la table et servir aux repas, à débarrasser et laver vaisselle et les plats en fin de repas.
Il est à peine 9 heures lorsque soudainement le bruit du vent se fait entendre. Il s’est levé en quelques minutes et souffle à plus de 150 km/h entrainant dans sa course folle de grandes quantités de neige. Juste au-dessus de nos têtes on devine un grand ciel bleu. Le mauvais temps est là et il devrait s’installer durablement au moins pour la semaine.


Les quelques 25 mètres qui séparent les différents bâtiments sont devenus très difficiles à franchir. Dans un sens le vent nous pousse violemment et ses rafales nous projettent  tantôt en avant, tantôt sur le côté.  Dans l’autre sens, il nous faut lutter pour avancer. La force des éléments est impressionnante. Tout cela fait sans doute partie de ce que je suis venu chercher ici au bout du monde.

Dimanche 18 août.

Il pleut sur Dumont d’Urville.
Depuis quelques jours une forte dépression a ramené un peu de douceur sur notre petit archipel des cotes de l’Antarctique. Vers 15h locales le thermomètre enregistre une température de -2,9 °C. Une pluie fine et verglaçante a remplacé l’espace de quelques heures la neige qui tombait sur la base. En touchant le sol l’eau gèle instantanément formant ainsi une fine couche de glace sur les passerelles. C’est l’évènement du jour sur la base. Chacun à l’intérieur du séjour observe avec un certain étonnement les gouttelettes d’eau qui viennent frapper les vitres.
La prudence s’impose alors à nous. Le chemin qui mène aux autres bâtiments est devenu glissant et quelque peu dangereux.

Mardi 20 août.
 
 Le vent souffle en tempête depuis 10 jours déjà. Dans  sa force, il entraine avec lui de la neige. Les rafales sont violentes. L’anémomètre de la station météo situé à 10 mètres de hauteur, en haut du mat, tourne à plein régime. Il a indiqué à plusieurs reprises des rafales à plus de 180 km/h.



Se déplacer sur les passerelles est difficile. La neige a recouvert une grande partie d’entre elles. J’ai du mal à marcher droit. Tantôt déséquilibré, tantôt bousculé, tantôt poussé ou au contraire retenu par le vent, j’ai du mal à marcher droit. Quand les rafales sont trop fortes, je m’agrippe à la rambarde pour pouvoir avancer ou pour garder mon équilibre.
Tout le monde ici attendait avec une certaine impatience de voir et vivre une tempête en Antarctique. Aujourd’hui la fatigue se lit sur les visages. Chacun a envie que cela cesse. Le mauvais temps nous prive de sortie, les travaux en extérieurs sont difficiles, les lâchers de ballons sonde sont plutôt sportifs.

Mardi 27 août.

Dimanche dernier la  météo nous a annoncé une semaine de beau temps. Cela semble se confirmer. Depuis hier déjà, le soleil brille dans un ciel sans nuages. Il fait beau, mais il fait très froid. Le thermomètre s’approche des -30°C.
Mon sac à dos est toujours prêt pour une randonnée. Dedans se trouve une poche fermée hermétiquement contenant un change complet, une serviette, une frontale, une corde d’environ 8 mètres. Ce mardi, Maxime, Julien le mécano de la base et moi, avons décidé d’aller au rocher du débarquement, la toute première île où Dumont d’Urville débarqua lors de son premier voyage en Antarctique. Lorsqu’il découvrit cette région en 1840, il lui donna le prénom de sa femme.
Ce petit îlot se trouve à 8 kilomètres environ au nord nord-est de l’île des Pétrels, l’île rocheuse d’environ 1 km de long sur laquelle est située la base.


Ce fut une sortie très agréable malgré le froid. Nous avons marché environ 18,5 km faisant un large détour lors de notre retour vers la base, afin d’admirer de nombreux et gigantesques bergs, détachés du glacier Astrolabe, aux couleurs parfois étonnantes.