samedi 4 mai 2013

Vendredi 19 avril.
Parmi les activités scientifiques menées à Dumont d’Urville il en existe une, assez singulière, en tous cas peu connue, mais qui est très importante pour la surveillance de notre planète.
Mathilde travaille au laboratoire de géophysique, elle est responsable du lidar.
Le LIDAR,  l’acronyme de "light detection and ranging". Cet instrument fonctionne comme un radar mais pour des longueurs d’ondes centrées sur le visible, du proche ultra-violet à l’infra-rouge.


Installé à Dumont d’Urville en 1989 il servait au début de son exploitation à mesurer la présence d’aérosols dans la haute atmosphère. En 1991, l’appareil est modifié afin de pouvoir également mesurer le taux d’ozone dans la stratosphère, ceci dans le but de surveiller le fameux trou d’ozone dans les régions polaires de l’hémisphère sud.
Le système se décompose en 2 parties, une partie émission et une partie réception.
Un faisceau lumineux stroboscopique est émis à la verticale. Ce faisceau émis va permettre d’effectuer des mesures à distance et résolues en altitude.  La lumière émise se diffuse au contact des particules rencontrées et c’est la diffusion arrière appelée rétrodiffusion, que l’on capte sur le récepteur, qui sert à déterminer les propriétés du milieu traversé.
Le temps entre l’émission et la réception détermine l’altitude des particules rencontrées.


En mesurant la quantité de lumière rétrodiffusée en fonction de l’altitude, on obtient ainsi des profils verticaux.
Mathilde nous parle des PSC « Polar Stratospheric Clouds », en français les nuages stratosphériques polaires, situés au-dessus de la troposphère. Ces nuages se forment lors de la présence du vortex polaire (tourbillon dépressionnaire situé au-dessus de l’Antarctique) lorsque les températures avoisinent les -75°C à la tropopause. La tropopause est la limite entre la troposphère et la stratosphère. Dans les régions polaires, cette limite se situe entre 8 et 10 kilomètres d’altitude.
A la surface de ces nuages formés de cristaux de glace on observe deux réactions chimiques. Des composés tels que les chlorofluorocarbones (que l’on nomme aussi dans un langage plus médiatique les CFC) ou les bromures de méthyle, libèrent du chlore ou du brome et sous l’action du rayonnement solaire, le chlore ainsi libéré détruit les molécules d’ozone. C’est en hiver que le chlore est libéré, en revanche c’est au début printemps austral, aux mois de septembre et d’octobre que l’on assiste à une chute brutale de l’ozone stratosphérique entre 14 et 20 kilomètres d’altitude.
Dès la fin du printemps, lorsque la circulation atmosphérique change et que l’air antarctique se mélange avec de l’air venu du nord, l’amincissement de la couche d’ozone est moins important.
C’est en 1985 que la notion du trou d’ozone au-dessus de l’Antarctique prit sa pleine dimension. Le phénomène avait été pressenti auparavant, mais non confirmé en raison de suspicions à l’égard de la qualité des mesures effectuées.
Aujourd’hui, grâce à des mesures par satellites, il a été clairement établi que la couche d’ozone au-dessus de l’Antarctique subissait une diminution importante au cours du printemps austral et que ce phénomène avait tendance à s’accentuer d’une année sur l’autre.
Toutes les nuits, lorsque les conditions atmosphériques sont propices à des mesures, Mathilde s’isole dans son shelter. Elle va travailler sur 2 types de sondage. Tout d’abord elle regarde la présence d’aérosols puis elle mesure la quantité d’ozone présent dans la haute atmosphère.
Le lidar de Dumont d’Urville et les sondages ozone réalisés par Météo-France  font partie d’un réseau international de surveillance de la stratosphère et de la haute troposphère, le réseau NDACC.



Toutes les nuits, lorsque Mathilde travaille, on observe un rayon vert qui s’échappe du petit shelter situé à proximité de la station météo et qui  disparait vers l’infini.

Dimanche 21 avril.
Les dimanches à DDU ne sont pas des jours comme les autres. Si la station météo reste ouverte en journée tous les jours de la semaine, en revanche ce jour est important pour les hivernants travaillant dans l’entretien des bâtiments et l’infrastructure de la base. C’est le jour de repos hebdomadaire qui cadence la vie de Dumont d’Urville,  journée durant laquelle certains en profiteront pour se reposer ou se détendre au travers d’activités diverses et d’autres pour partir à la découverte de la banquise et des animaux qui l’habitent.
Pour Dominique, le cuisinier de DDU, ce n’est pas non plus un jour de travail comme les autres. Le matin de très bonne heure, alors que la base dort encore,  il est déjà dans sa cuisine et  s’affaire à nous préparer quelque chose de spécial, à faire en sorte que cette journée ne soit pas une journée ordinaire. Fort de son expérience dans la restauration, il met tout son talent au service de la base afin d’égayer notre quotidien. Qu’il neige ou qu’il vente, il nous fait oublier l’instant d’un repas nos soucis, nos tracas, notre isolement. Jamais à court d’idées, tous les dimanches il nous offre un moment de bonheur, un repas de fête.





 Ce midi, Mathilde et moi étions de service base. Nous avons dressé la table avec une jolie nappe blanche, nous avons sorti les assiettes des jours de fête et avons mis les verres à pied.


Lundi 29 avril.
On ne se lasse jamais de regarder la banquise. Elle nous fascine, elle nous envoûte peut-être, elle nous appelle sûrement. Il ne se passe pas une semaine sans que j’y aille me promener  à la rencontre des petits îlots rocheux et de toutes ces montagnes de glace aux formes sculptées,  surprenantes et extraordinaires.
La météo nous ayant offert une très belle journée, glaciale certes mais sans vent, Dominique, Michel et moi sommes partis pour la journée équipés chacun d’un sac à dos contenant notre kit de sécurité, un change complet, une corde, une barre de céréales, une barre chocolaté pris à la hâte au séjour quelques minutes avant le départ et un thermos de café gentiment préparé par Julien le plombier de la base. Notre bâton de marche à la main, nous servant davantage  à sonder la couche de glace qu’à faciliter notre marche, nous sommes partis vers le nord quittant l’île des pétrels par la descente en pente douce qui rejoint la croix Prud’Homme. Cette croix installée ici il y a plusieurs années en mémoire d’un ingénieur de la météo disparu alors qu’il était parti dans la tempête faire  des relevés de températures, semble regarder la mer de glace et veiller sur la base.


Nous avons marché durant presque 4 heures et parcouru plus de 12 kilomètres sur une banquise à la surface parfois dure, parfois gelée et glissante, parfois recouverte d’une épaisse couche de neige dans laquelle nous nous enfoncions jusqu’aux genoux. Des icebergs gigantesques éclairés par un soleil rasant et aux couleurs bleutées semblaient saluer notre passage.










Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire