vendredi 17 janvier 2014

Lundi 16 décembre.
L’Astrolabe a pu entrer dans la polynie et s’amarrer au bord de la banquise, à 40 kilomètres de la base Dumont d’Urville. La glace est trop épaisse et le navire n’a pu se rapprocher davantage de la base. Vers 7h30 un bruit sourd résonne à l’horizon. L’hélicoptère embarqué à bord du navire de l’IPEV apparait au loin. La relève est enfin arrivée.

Image MODIS du 4 décembre 2013


Les passagers de l’Astrolabe vont arriver par petits groupes tout au long de la matinée. Olivier arrive tout d’abord par le second vol suivi de Pierre et Didier. Un sourire se dessine sur leur visage. Leur joie, leur émotion me rappellent mon arrivée ici il y a un an. La nouvelle équipe météo vient nous relever.

Samedi 21 décembre.

Le jour du départ est enfin arrivé. Ce matin le ciel est couvert. Il est 8 heures et déjà un petit groupe de personnes attend devant la DZ, la petite plate-forme d’où partira la quasi-totalité des hivernants de la TA63. C’est l’heure des adieux. L’émotion est grande pour ceux qui partent, mais aussi pour ceux qui restent. Tout au long de la matinée l’hélicoptère va assurer le transfert des partants par groupes de 5 personnes.


Il est 9h30 lorsque je m’installe à l’arrière de l’Ecureuil. Très vite l’hélico s’élève dans le ciel. Je jette un dernier regard sur la base, sur les lieux qui m’ont été  familiers et où j’ai passé la plupart de mon temps durant cette année 2013, le 42 bien sûr,  le séjour, la station météo. Dumont d’Urville  n’est bientôt plus qu’un point à l’horizon avant de disparaître totalement. Mon séjour en Antarctique est terminé mais les souvenirs de tous ces moments forts passés ici avec mes compagnons d’hivernage, mes amis, sont présents dans mon esprit et le resteront très longtemps.


Le vol ne dure que quelques minutes, une dizaine tout au plus. Bientôt une silhouette se détache de l’horizon. L’Astrolabe est amarré au bord de la banquise et nous attend. J’ai juste le temps de descendre, l’Ecureuil reprend son envol pour aller chercher d’autres hivernants de la TA63.




Il est 20 heures, le temps se dégrade. Le ciel s’est obscurci et la neige tombe doucement. Une brume épaisse s’est formée tout autour de la zone où est amarré l’Astrolabe. Il est temps de partir. Quelques volontaires descendent sur la banquise afin de lâcher les amarres. 30 minutes plus tard, l’Astrolabe s’éloigne doucement vers le Nord. Nous partons pour Hobart.


Mercredi 25 décembre
Il est 8h30. Guillaume, le commandant en second, nous a demandé de venir au salon afin de nous tenir informés d’un changement dans notre traversée. Un navire de croisière russe, l’Akademic Shokalskiy en difficulté dans le pack, près du glacier Mertz par 66°43 Sud et 144° Est, a lancé un appel de détresse. Les autorités australiennes ont demandé à l’Astrolabe ainsi qu’à 2 autres bâtiments naviguant dans la zone de leur porter assistance. Nous avons fait demi-tour tôt ce matin et faisons actuellement cap au Sud. Nous devrions arriver dans 2 jours, en même temps qu’un brise-glace chinois naviguant lui-aussi dans les eaux glacées de l’océan Antarctique. Un autre navire brise-glace australien, l’Aurora, a lui aussi mis le cap vers le navire en détresse.







L’Astrolabe ne pourra pas entrer dans la zone critique, le pack étant trop épais et trop dense. Les passagers de l’Akadémic Shokalskiy seront finalement évacués quelques jours plus tard par hélicoptère sur l’Aurora-Australis tandis que le Xue Long, le brise-glace chinois ayant essayé d’approcher le navire russe en difficulté sera à son tour bloqué dans le pack.





Ce sera notre dernière péripétie avant notre arrivée à Hobart le vendredi 3 janvier 2014 au matin.


dimanche 22 décembre 2013

Derniers mails envoyés par Jean-Marie depuis DDU.

Vendredi 20 Décembre

"Dernier jour sur la base.
Le transport de fuel a échoué. L'IPEV a décidé de ne pas insister.
Je pense que nous allons regagner l'Astrolabe demain dans la journée si la météo nous le permet.
Le temps se gâte et un tempête approche avec des vents pas trop forts mais suffisant pour gêner ou empêcher les vols d'hélico.
De plus cette tempête sera accompagnée de chutes de neige ce qui n'arrange rien et risque de provoquer du "white out" sur la banquise.

L'avion parti en fin de matinée pour aller chercher à Dome C (Concordia) des chercheurs prévus au retour sur l'Astrolabe a du faire demi tour. Les conditions d'atterrissage sur Dome C étaient trop mauvaises.
La tempête sur DDU devrait durer plusieurs jours, peut-être jusqu'au milieu de la semaine prochaine. Je ne vois pas comment ils pourront arriver jusqu'ici à moins que le commandant du navire décide de les attendre.
Bref, c'est l'Antarctique et ses impondérables.

Ma valise est bouclée. Je suis prêt à partir dès qu'on me le dira.
"



Samedi 21 Décembre

"Je prends l'hélico ce matin  vers 9h15.
Je quitte DDU. La boite mail va être fermée. Inutile de m'écrire à cette adresse.
Je ne sais pas quand le bateau prendra le mer, peut-être ce soir, demain ou lundi.
Le pack est lâche, ça devrait passer. Une tempête est attendue pour ces jours-ci.
Ça devrait bouger en mer."

dimanche 15 décembre 2013

Voici en quelques mots le résumé météo du mois de novembre 2013.

Le mois de novembre a été plus froid, moins venteux, moins lumineux et moins neigeux que la normale.
Nous avons observé 5 jours avec présence de neige, 3 avec chasse-neige et 2 jours avec présence d’un mur de neige sur le continent visible depuis la station.
Les températures moyennes du mois sont plus froides que la normale climatique, on note un minimum de -16°C le 2 et un maximum de +1,6°C le 24 novembre.


Le vent moyen est nettement en-dessous des normales. La vitesse maximale enregistrée est de 140,4 km/h le 17, loin du record pour un mois de novembre égal à 194,4 km/h. On note 21 jours où le vent a été supérieur à 60 km/h dont 4 jours avec des rafales au-dessus des 100 km/h et 1 jour au-dessus des 140 km/h.


Ce mois a été moins lumineux que la normale. On note 295 heures d’ensoleillement, la normale étant de 353 heures.
Enfin la pression moyenne a été de 981,3 hPa.


Jeudi 28 novembre.

Avant mon départ pour ce continent au climat rude et hostile, j’avais imaginé ce que serait la vie ici au quotidien et je m’étais donné un défi.  Sur cette toute petite île de moins d’un kilomètre carré,  j’imaginais des journées courtes en l’hiver et des déplacements quotidiens réduits parfois à quelques centaines de mètres par jour. J’imaginais aussi de longues journées hivernales où le soleil ne ferait qu’une timide et brève apparition au raz de l’horizon, plongeant la base dans la pénombre durant de longs mois et limitant ainsi nos sorties sur la banquise. Ce défi, c’était de profiter de cet isolement pour fréquenter la salle de sports régulièrement et parcourir une distance en course à pied suffisamment marquante.
Il me fallait fixer une distance à la fois raisonnable et stimulante pour que je puisse me motiver.
J’avais ainsi décidé de courir 1000 kilomètres en Terre Adélie durant mon séjour. Ce défi me paraissait raisonnable à condition toutefois de pratiquer la course à pied en salle de façon assidue.
J’ai donc pris soin de noter, après chaque séance, les kilomètres réalisés sur mon classeur "Excel". Tantôt sur une épreuve d’endurance, tantôt sur du fractionné, j’ai passé ainsi de très nombreuses heures sur le tapis de course à pied de la petite salle de sport de Dumont d’Urville, écoutant sur un vieux poste stéréo situé dans un coin de la salle, quelques CD de musique dont le son se mêlait au ronronnement assourdissant du moteur électrique. Les kilomètres se sont cumulés, parfois j’atteignais 120 kilomètres dans le mois,  parfois 150.
J’ai franchi la distance des 1000 kilomètres le 9 août c’est-à-dire à peu près 4 mois avant la fin de mon séjour. J’ai alors réajusté la limite fixée l’élevant à 1500 kilomètres.
A partir de la mi-août la pénombre hivernale régresse lentement laissant la place à un soleil davantage présent tous les jours et surtout un peu plus haut dans le ciel. Petit à petit les journées rallongent et avec elles les occasions de sorties sur la banquise deviennent plus fréquentes. Les petites îles les plus éloignées de la base deviennent désormais accessibles. Privilégiant les sorties par beau temps, j’ai continué à  fréquenter la salle de sport lorsque le temps était gris, neigeux ou venteux.
J’ai accumulé ainsi progressivement les kilomètres et j’ai franchi la ligne des 1500 kilomètres le 28 novembre. Quelques amis fréquentant comme moi cette salle de part régulièrement étaient venus fêter avec moi l’évènement.



Ce jeudi de novembre, quelques amis sont venus partager avec moi la joie procurée par la réussite de mon défi personnel. Il y avait Johnny, Julien, Michel, Patrice, Emile et David.

Dimanche 1er décembre.
Le moment du départ se rapproche. La relève est en route et quittera Hobart le 3 décembre.
Tous ces paysages extraordinaires qui me sont devenus familiers vont bientôt me manquer. Il fait beau et je ne peux refuser l’invitation de Cyril et Guillaume qui me proposent d’aller voir la zone de chaos au nord du glacier Astrolabe.
De petites étendues d’eau de mer aux couleurs turquoises se sont formées à l’avant de ce géant de glace. La sortie ne prend que quelques heures pour un ravissement qui n’a pas son pareil.





Lundi 9 décembre.
Tôt ce matin le vent a forci. La tempête annoncée depuis plusieurs jours par les bulletins météo est arrivée sur  les côtes de la Terre Adélie. Les modèles indiquent ce matin  un minimum de pression à 953 hPA situé  par 61°20’ sud et 140° est. Très vite le vent se renforce. Les rafales dépassent déjà les 120 km/h au moment de mon lâcher de ballon sonde. Emile est venu m’apporter son aide. Le ballon,  chahuté par la turbulence du vent, exécute plusieurs tours sur lui-même puis  disparaît très vite dans les nuages chargés de neige.
Le vent se renforce progressivement et atteint les 162 km/h en début d’après-midi. Depuis la petite salle d’exploitation qui domine la mer de glace, je regarde la neige se soulever au-dessus de la banquise pensant que ce sera très certainement la dernière tempête que je verrai sur ce bout de Terre si loin de chez moi.
Il est 19 heures lorsque ma messagerie électronique me signale que j’ai reçu un courrier. C’est Olivier mon successeur qui m’informe de sa traversée. Ce lundi matin, l’Astrolabe était à 300 kilomètres de Dumont d’Urville. Face aux mauvaises conditions météorologiques, le navire s’est abrité dans la partie nord du pack et attend une accalmie pour rejoindre la polynie et s’approcher au plus près de la base.

Vendredi 13 décembre.

Il neige depuis une semaine.
L’Astrolabe n’est plus très loin, il est à 100 kilomètres de la base, bloqué depuis quelques jours au sud du pack. A Dumont d’Urville tout le monde s’active, range ses affaires,  prépare ses malles. Cyril, le responsable informatique de la mission, a programmé sur l’intranet de la base l’affichage en temps quasi réel de la position du navire ravitailleur. Chacun peut suivre son évolution.
Dans l’esprit de beaucoup d’entre nous la mission est terminée. Les esprits sont un peu tendus. C’est l’attente,  l’attente de l’arrivée de l’Astrolabe dans la polynie, l’attente du premier vol de l’hélicoptère, l’attente du départ.
Mes malles sont bouclées, ma chambre est prête à accueillir Olivier mon successeur. Tout est prêt pour recevoir la nouvelle équipe. La relève sera courte. Nous n’aurons que quelques jours pour présenter la station et le travail à nos successeurs, voir avec eux la routine du quotidien, les tâches de fins de mois, les difficultés que nous avons rencontrées au cours de notre séjour et comment nous les avons résolues.


dimanche 17 novembre 2013

Voici en quelques mots le résumé météo du mois d’octobre 2013.

Ce mois d’octobre a été plus chaud que la normale, plus neigeux (on note 8 jours avec des chutes de neige observées), mais surtout plus venteux. Il y a eu 12 jours dans le mois où l’on a pu voir un mur de neige sur le continent.
La température moyenne de ce mois a été de -11,9°C, supérieure à la normale qui est de -13°C., avec un minimum de -21°C le 17 et un maximum de -3,1°C le 14. Le record de froid pour un mois d’octobre est de -31,5°C, il a été enregistré le 3 octobre 1972.


Le vent moyen est assez proche de la normale avec une valeur de 9,35 m/s soit 33,7 km/h. La vitesse maximale enregistrée est de 45,3 m/s le 9 soit 163,1 km/h lors d’une forte tempête. Le record de vent pour un mois d’octobre a été enregistré le 2 octobre 1996 avec une rafale à 202,8 km/h.
On note 26 jours où le vent a été supérieur à 60 km/h dont 6 jours avec des rafales au-dessus des 100 km/h et 2 jours au-dessus des 140 km/h.


Cependant, ce mois a été moins lumineux que la normale. On note 233 heures d’ensoleillement, la normale étant de 265 heures.
Enfin la pression moyenne a été de 978,3 hPa.


Lundi 11 novembre.

Aujourd'hui 11 novembre, la base Dumont d’Urville a hissé le drapeau tricolore pour célébrer comme dans toutes les communes de France l’Armistice, la fin de la 1ère guerre mondiale. Un peu avant midi, nous avons écouté le discours du Ministre délégué auprès du Ministre de la Défense, chargé des anciens combattants, lu par le chef de district. Un moment solennel, un moment d’émotion durant lequel chacun a eu une pensée pour tous ces soldats qui ont combattus pour la France, qui ont souffert dans les tranchées et qui, pour certains, ont donné leur vie.



Au pied du mat, quelques manchots adélie sont présents et assistent à la cérémonie.


Après avoir observé une minute de silence nous nous sommes tous retrouvés au séjour pour apprécier le planteur préparé par Emile et le repas amélioré préparé par Dominique notre cuisinier.

lundi 4 novembre 2013

Samedi 19 octobre.
Un hivernage en Antarctique dure environ 8 mois, 8 mois durant lesquels l’isolement est total. Seule une faible liaison par satellite nous permet de rester en contact avec la famille et les amis. Nous communiquons principalement avec nos proches au travers de la messagerie électronique, le « mail ».
Les activités sur la base sont variées. Il y a ceux qui s’occupent des aspects logistiques et entretien de la base : produire l’électricité, l’eau potable… Il y a ceux qui s’occupent de l’intendance, des repas. Il y a les ornithos dont le travail se rapporte à l’observation et l’étude des animaux. Il y a le gérant postal qui s’occupe des nombreuses demandes et commandes des philatélistes de tout bord. Dans la journée, chacun travaille dans son bureau, son atelier ou en extérieur. Nous nous retrouvons principalement au moment des repas, souvent le soir au séjour pour une veillée ou une séance de cinéma et quelques fois autour d’un verre, pour célébrer un évènement ou juste pour un moment de convivialité.
Aujourd’hui, Thomas le mécanicien de précision de Dumont d’Urville nous a tous convié à un apéritif dans son atelier au SIPOREX. Le SIPOREX est un bâtiment qui tient son nom du matériau utilisé pour sa construction. C’est ici que se trouvent également les ateliers d’Angel l’électricien et de Jules le plombier. Pour l’occasion, la tenue "bleu de travail" a été exigée.
Se costumer, se déguiser est ici une tradition. Il y a eu durant l’hivernage de nombreuses soirées à thème où chacun confectionnait son déguisement avec divers matériaux, de vieux vêtements ou de vieux draps trouvés dans le "Servez-vous", armoire où chacun peut déposer des objets ou vêtements devenus inutiles ou encombrants en fin de mission.
J’ai donc revêtu mon bleu de travail, celui qui m’a servi cet hiver à protéger mes vêtements lors des traitements au gasoil des ballons de radiosondages.
Comme dans la plupart de ces moments qui nous réunissent et nous rapprochent les uns des autres, la photo souvenir est de rigueur. Dans quelques semaines, lorsque mon séjour achevé, j’aurai quitté cet endroit exceptionnel, il ne restera que les souvenirs et les photos pour me rappeler de cette année extraordinaire passée quelque part au bout du monde, sur une petite île isolée au bord du continent antarctique.

Samedi 26 octobre.

L’hivernage touche à sa fin. Cette semaine, Guillaume, le responsable de l’équipe technique de la base, a fini d’aménager une piste d’aviation sur le continent à un point nommé ici D10. Cette piste, située à presque 300 mètres d’altitude et à 5 kilomètres à l’intérieur du continent (10 kilomètres de la base), a été tracée sur de la glace.  A l’aide d’une sorte de herse tirée par un tracteur de 15 tonnes, la glace a été nivelée. Après plusieurs jours de travail, les 1 kilomètre 500 de piste sont prêts à accueillir le BASLER qui amènera les premiers campagnards de l’été austral.


Aux abords de la piste, nous avons installé, à côté d’un petit shelter, un capteur de vent en haut d’un mat de 4 mètres de hauteur. Ce petit capteur, relié à en émetteur situé à l’abri, à l’intérieur du shelter,  transmet en temps réel sur les écrans de la station météo de Dumont d’Urville la direction et la force du vent. Sur le haut de cet abri, un panneau solaire permet de recharger en continu la petite batterie de 12 volts alimentant notre système.




A côté de notre installation, plusieurs fûts contenant du kérosène sont entreposés sur une remorque. Les stations en Antarctique sont très éloignées les unes des autres et les avions n’ont pas suffisamment d’autonomie pour pouvoir faire un aller-retour. Il faut donc pouvoir refaire le plein des aéronefs qui se poseront ici.
Tout est donc en place pour qu’un petit avion muni de skis puisse se poser sur le continent.

Ce samedi 26 octobre au matin, la base est en effervescence. Un vol est programmé. Les passagers venus de France attendent depuis plusieurs jours déjà à Christchurch en Nouvelle Zélande que les conditions météos soient enfin favorables pour atterrir ici. Un premier avion doit les amener à la station Mario Zucchelli située elle aussi sur le continent Antarctique. De là ils prendront un second avion pour Dumont d’Urville. Depuis 7h locales, j’envoie toutes les heures par mail des informations sur le temps qu’il fait ici et sur la piste D10 à l’équipe météo de Mario Zucchelli.
En ce début de matinée, le vent souffle encore assez fort et le ciel est couvert.
Les modèles de prévisions numériques américains et européens sont optimistes. Le temps va s’éclaircir au cours de l’après-midi et le vent va baisser.
A 13h, après un dernier briefing météo, les conditions étant favorables, le pilote a pris la décision de faire décoller son avion. L’avion, un  BASLER doit arriver à D10 à 19h30. Tout le monde sur la base Dumont d’Urville est prêt. L’accueil d’un avion nécessite un minimum de préparation afin d’assurer un maximum de sécurité et être prêt à intervenir en cas d’incident. Une équipe constituée par le médecin, des secouristes et des pompiers est prête à se rendre à D10. Maxime le chef de District s’assure des derniers préparatifs. Il faut aussi prévoir la logistique nécessaire au transport des voyageurs vers la base.
Il est 17h30. L’équipe se met en route. Le ciel est maintenant bien dégagé et le vent a faibli et ne souffle désormais plus qu’à 20kt.
Il est 19h05. Michel le radio a un contact avec le pilote de l’avion. L’atterrissage est prévu dans 15 minutes. A 19h15 j’aperçois l’avion dans le ciel. Il commence à effectuer sa manœuvre pour se placer face au vent à l’ouest et dans l’axe de la piste. Je suis sa progression depuis la station météo à l’aide de mes jumelles. L’atterrissage est rapide. Un nuage de poudre de neige derrière l’appareil m’indique que l’avion s’est posé.


Photographie prise par Guillaume

Les passagers sont descendus de l’avion et sont en route pour la base. Une équipe est encore sur place afin de refaire le plein en carburant. L’avion ne reste pas. Il repart sur Mario Zucchelli.
L’arrivée de nouvelles personnes à Dumont d’Urville est un moment de fête. Elle marque aussi le début de la fin de notre séjour.

mardi 22 octobre 2013

Voici en quelques mots le résumé météo du mois de septembre 2013.

Enfin un mois plus chaud, plus lumineux, plus neigeux mais surtout plus venteux que les années passées.
Ce mois de septembre a été marqué par  des phénomènes telle l’apparition de murs de neige venant du continent accompagnés de vent catabatique violent et de chasse neige en grand excédent par rapport aux normales.
Avec une température minimale de -23,9 °C enregistrée le 12 et maximale de 3°C le 18, les températures moyennes restent bien au-dessus des normales saisonnières.



On a comptabilisé beaucoup de vent fort, bien plus que la moyenne climatique soit 24 jours avec un vent supérieur  à 60km/h, dont 19 au-dessus des 100km/h et  8 jours au-dessus des 140km/h.


Enfin le mois a été très lumineux avec 17% d’ensoleillement en plus par rapport aux normales, soit un cumul de 172,2 heures d’ensoleillement.



Dimanche 13 octobre.

L’hiver est derrière nous, les journées ont rallongé sensiblement. Les premières lueurs du jour apparaissent déjà vers 4h30 du matin lorsqu’il n’y a pas de couche nuageuse dans le ciel.
Ce matin le ciel a revêtu sa robe bleu pâle et le vent présent depuis plusieurs semaines s’est enfin calmé. Il est 6h30 lorsque je sors du bâtiment 42 – le bâtiment de nuit – et regagne le séjour goûtant la fraicheur matinale d’une belle journée en Antarctique. Il fait à peine -10 °C. Le soleil a déjà commencé à réchauffer l’atmosphère. Au séjour,  je croise Angel qui vient de terminer sa nuit à la centrale électrique. Il a dressé la table et préparé le café pour le petit déjeuner. Il part se coucher. Je m’installe alors après avoir salué Dominique lui aussi déjà levé et déjà très actif dans sa cuisine.
Maxime ne tarde pas à me rejoindre. Nous avons prévu une sortie matinale sur la banquise afin d’aller voir un berg dont la face coté EST laisse entrevoir des veines brunes semblables  à une dalle de marbre. Je suis souvent passé à côté de ce berg, mais à chaque fois cette face m’est apparue dans l’ombre, le soleil étant alors trop bas à l’horizon ou trop à l’ouest en fin de journée.
Il est 8h30 lorsque nous partons. Michel le radio et David le médecin de la base nous ont rejoints. Le départ est presque chaque fois le même. Je me dirige vers la croix Prudhomme dressée en hommage à un ingénieur météo disparu dans les années 50 alors qu’il était parti faire des mesures. Le chemin commence par une pente douce et fini par une pente plus prononcée que nous empruntons sur les fesses tel un toboggan. Nous voilà alors sur la banquise. Le vent de ces derniers jours a fait disparaitre la couche de neige supérieure. Sur plusieurs centaines de mètres nous marchons avec prudence sur de la glace vive. Afin de ne pas chuter nous avons équipé nos chaussures de griffes. Il est tôt et pourtant le soleil est déjà haut dans le ciel. L’air est doux malgré la température négative. Nous nous dirigeons légèrement vers le nord-est afin d’éviter une zone de chaos provoquée par le mouvement de la mer sous la glace. Près du glacier Astrolabe, la banquise a changé d’aspect. Il y a maintenant de nombreuses rivières recouvertes par une fine couche de glace.
Sur notre chemin nous croisons quelques manchots revenant de la polynie. Ils parcourent plusieurs dizaines de kilomètres pour retrouver l’eau libre la plus proche afin de se nourrir.


Un peu plus loin, ce sont 2 phoques, une mère et son veau, qui se reposent sur la banquise. Notre passage ne semble pas les déranger.







La sortie aura duré un peu moins de 3h. Comme toujours la banquise, cette immense étendue de glace recouvrant la mer à perte de vue, parsemée d’icebergs aux formes impressionnantes et imposantes me procure  des émotions, un plaisir intense, le sentiment de faire partie des quelques privilégiés qui ont eu la chance de vivre une belle aventure en Antarctique.

Mardi 15 octobre, journée de comptage des phoques.
Chaque année, toujours à la même date, l’hivernant ornithologue a pour mission de recenser la population de phoques dans toute la zone entourant l’archipel de Pointe Géologie.
Il fait beau, le soleil brille dans le ciel et ce matin seule une petite brise glaciale nous rappelle que nous sommes sur les côtes du continent antarctique. Les modèles  météo sont optimistes pour les prochains jours. C’est une chance, nous allons pouvoir opérer dans de très bonnes conditions. Lunettes foncées et crème solaire sont aujourd’hui obligatoires. Des équipes de 3 à 4 personnes sont constituées. Après quelques ultimes recommandations le comptage va pouvoir commencer.
J’ai choisi une zone proche de la base. Ce n’est peut-être d’ailleurs ni la plus facile ni la plus intéressante. D’abord, cette zone comprend la partie située au sud de l’île des Pétrels, la zone de chaos, pleine de pièges, de rivières, de bosses  et de trous. Ensuite, c’est aussi là que nous trouverons le moins d’animaux. Qu’importe, il fallait bien que quelqu’un y aille. Me voilà parti en début d’après-midi avec Mathilde et David. C’est pour moi plus une balade, une opportunité pour aller prendre l’air, qu’un travail. Je prends le temps de m’arrêter près de la rookerie, attiré par un poussin perdu près du chaos. Il a dû certainement suivre des adultes partis se nourrir en mer. Il est seul dans une zone où les pétrels ont l’habitude de chasser.
Assis sur la glace, je l’observe à travers l’objectif de mon appareil photo. Tranquillement il se dirige vers nous et s’arrête à quelques mètres. Je reste quelques minutes à l’observer me demandant s’il sera capable ou non de rejoindre la rookerie à quelques centaines de mètres de là. Nous n’avons pas le temps de trop nous attarder, il faut y aller, les phoques nous attendent.


Le recensement de la zone ne prend pas beaucoup de temps, à peine 2 heures pour n’apercevoir que 2 phoques. Mathilde prend soin de noter les positions GPS et les caractéristiques des animaux.


Nous sommes sur le chemin du retour lorsque Christophe, l’ornithologue de la base, nous appelle sur la radio pour nous proposer de l’aider à finir une autre zone plus à l’est. Nous voilà partis, Cyril, David, Christophe et moi-même vers un îlot, la Dent, situé à environ 3 km à l’est de Dumont d’Urville.



Je ne vais pas être déçu. Il y a de nombreuses cassures, des trous d’eau et pas mal de rivières dans cette partie située très proche du glacier Astrolabe, des endroits parfaits pour apercevoir des phoques. Nous arrivons sur la zone au beau milieu de l’après-midi. Le soleil est encore très haut dans le ciel.
Ils sont là ! Ils semblent nous attendre allongés sur la glace par petits groupes de 3 ou 4. La chance est avec nous ce jour-là. Tandis que j’observe l’approche d’un pétrel géant, mon regard est attiré un phoque à quelques mètres de moi en train de mettre bas. Nous assistons à la naissance d’un veau - c’est ainsi que l’on nomme les jeunes phoques – moment extraordinaire. Moins d’une minute plus tard, le pétrel est déjà là en train de se nourrir du placenta.

 






Il est tout juste 19h lorsque je rentre à la base, mon esprit encore plein d’images extraordinaires et ma carte SD pleine de souvenirs.
Tracé de la sortie du 15 octobre 2013.