dimanche 31 mars 2013

Vendredi 29 mars.
La seconde moitié de ce mois de mars a été riche en évènements.
Le 12 mars, nous avons assisté à un phénomène tout à fait extraordinaire qui se produit dans l’hémisphère sud comme dans l’hémisphère nord, entre les 65  et 75 degrés de latitude. Plusieurs nuits de suite le ciel s’est illuminé d’un voile coloré. Nos premières aurores australes.
En voici une explication scientifique succincte.
Ce phénomène lumineux est provoqué lors d’une activité solaire intense. Des particules chargées éjectées par le soleil entrent en collision avec le bouclier que constitue la magnétosphère. Ces particules électrisées captées et canalisées par le champ magnétique terrestre excitent les atomes de la haute atmosphère libérant ainsi de l’énergie. C’est cette énergie ainsi libérée qui provoque ces lumières dans le ciel.
Ce 12 mars, je sortais du séjour après la séance de cinéma qui s’était prolongée un peu tard. Mon œil fut attiré par des lueurs dans la nuit. Le temps que mes yeux s’habituent à l’obscurité et je réalisais avec mes camarades cinéphiles que nous étions en présence d’une aurore. Nous assistions à notre première aurore australe. Le ciel était dégagé et il faisait très froid. Il nous fallait tout de même immortaliser cet évènement et chacun est parti chercher son appareil photo.
Les projecteurs qui éclairent la base ont été éteints afin de pouvoir profiter pleinement du spectacle.
Pas facile de réaliser une photo par -17°C. Il faut être rapide car une fois les gants ôtés pour travailler sur l’ensemble des réglages nécessaires à une photo que l’on souhaite parfaite, le bout des doigts commence à picoter, puis très vite ça devient insupportable. Heureusement, il n’y avait pas de vent ce soir-là, la sensation de froid en aurait été renforcée.




Le samedi 16 mars au soir, nous avons fêté, avec une journée d’avance, la Saint Patrick. Une occasion de plus de nous retrouver et de faire la fête sur un thème. Le vert était de rigueur ce soir-là et chacun avait préparé un déguisement pour l’occasion. 

Willy, le boulanger-pâtissier de la base ne s’est pas contenté de se déguiser. Il a su aussi ajouter une belle touche de vert à notre repas.


Mardi 19 mars - Les premiers empereurs

Aujourd’hui  il fait beau mais la météo annonce une dégradation du temps pour la fin de la semaine. Je ne suis pas de service au poste d’exploitation et c’est par conséquent l’occasion à ne pas manquer de sortir sur l'ancienne banquise située au sud de l'île des Pétrels, entre la base et le glacier. Cette zone n’a pas débâclé depuis plusieurs années. Au mois de janvier, avec la douceur des températures, elle était devenue impraticable n’ayant plus de consistance. On pouvait s’y enfoncer facilement. L'épaisseur est conséquente et avec les dernières vagues de froid et les dernières chutes de neige, elle est redevenue solide.
Me voilà enfin à nouveau hors de la base durant presque 2 heures avec Maxime le DISTA, David le médecin et Emile. Aujourd’hui, j’ai enfin pu apercevoir les premiers manchots empereurs de retour de leur lieu de ponte.
Quel plaisir de pouvoir enfin sortir !

De gauche à droite sur la photo, Jean-Marie, David notre médecin et Maxime.  Photo prise par Emile
Samedi 23 mars

Nous rentrons progressivement dans l’hiver, la banquise s’étend désormais à perte de vue, les températures ont nettement baissé et fluctuent entre -18°C et -12°C. Les adélies sont partis, les oiseaux se font rares et la nuit grignote progressivement le jour. Avec l’hiver viennent les vents catabatiques, vents froids arrivant du continent, viennent aussi les tempêtes de neige réduisant fortement la visibilité et accompagnées souvent de vents violents. Sous les tempêtes, nos lâchers de ballons deviennent plus délicats.
Ce matin le vent souffle en rafales atteignant les 100 km/h. Le lâcher de ballon ne sera qu’une formalité pour Emile.

L’hiver enfin, c’est aussi le retour des manchots empereurs et l’occasion de faire à nouveau des sorties sur la banquise.
Maxime et Guillaume ont commencé à la sonder dès le 18 mars. Aux premiers sondages effectués  à l’ouest près du Lion Maxime a relevé 30 à 40 centimètres.
Le 26 mars j’ai accompagné Maxime pour un nouveau sondage côté sud-ouest vers l’île Mauguen, dans la zone des manchotières. Nos 2 compagnons ornithologues, Christophe et Jennifer attendent avec impatience l’ouverture de la nouvelle banquise. Tous 2 sont chargés d’étudier les empereurs pour le compte de laboratoires français. Les relevés confirment ceux effectués la semaine dernière. L’épaisseur est en moyenne de 35 centimètres. C’est suffisant pour pouvoir marcher dessus, mais Maxime préfère attendre encore que l’équipe « rescue » soit au point avant d’y autoriser les déplacements.







Nous avons observé de loin la manchotière formée juste au sud de l’île des Pétrels. Il y a là une soixantaine de manchots. D’ici un mois ils devraient être environ de 7 à 8 mille.


Jeudi 28 mars


Il est 08h00. Cela fait 1 heure que je suis à mon poste d’observation, à la station météo de Dumont d’Urville. Depuis un moment, j’observe sur le continent de grandes gerbes de neige qui s’élèvent sur plusieurs dizaines de mètres. C’est le signe d’un vent catabatique. Très rapidement un mur de neige apparait et se dirige vers l’ouest de la base. La station de Prud’Homme disparait alors, engloutie par le blizzard. Bientôt ce sera notre tour.
Les vents catabatiques arrivent des hauts plateaux froids du continent, Ils accélèrent en dévalant les pentes et arrivent jusqu’aux côtes avec souvent des vitesses extrêmement élevées. On a enregistré par le passé des vitesses supérieures à 240 km/h.
En fin de matinée la visibilité baisse brutalement et le vent forcit. On enregistrera des rafales de 128 km/h.
 La situation ne va pas s’améliorer rapidement. Les modèles européens (IFS) et américains (GFS) annoncent pour les heures prochaines l’arrivée d’une zone dépressionnaire avec des valeurs proches de 955 hpa. L’amélioration n’est attendue que pour mardi prochain. Il va falloir nous résigner à passer notre week-end pascal à l’intérieur.

samedi 30 mars

La base est plongée dans la tempête. Hier le vent a soufflé en rafales atteignant les 158km/h, la neige volait partout et on ne voyait guère plus loin que 10 mètres. Le soir, dans ma chambre, je ressentais des vibrations. Le bâtiment 42 (le dortoir hiver) tremblait très légèrement à chaque grosse rafale.
Du dortoir hiver je n’aperçois même plus le séjour. De grosses congères se sont formées un peu partout sur la base, devant la gérance postale, devant la centrale électrique, devant les magasins de vivres et devant une porte du séjour. La météo a été épargnée  « pour une fois ». Mardi matin il nous faudra prendre notre courage à 2 mains et déneiger.



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